Trop de Canadiens?
Pour bien des gens, cette question est absurde. Sans aucun doute, le Canada est un pays énorme, un vaste territoire, sans bornes, pourvu de ressources abondantes et d’espaces capables d’accommoder une population beaucoup plus grande. Telles sont les pensées immédiates de la plupart de ceux qui réfléchissent sur la taille de la population canadienne. Ces mêmes propos sont à la base des raisonnements et des politiques qui préconisent une croissance démographie soutenue. Mais ce point de vue est fondé sur des mythes et des chimères plutôt que sur des données scientifiques rationnelles.
La population canadienne dépasse actuellement les 35 millions et s’accroit rapidement. En fait, le taux de croissance de 1,2% annuellement est un des plus élevés qu’on puisse observer chez les pays développés. L’ICP soutient qu’il est d’importance capitale d’évaluer d’un œil critique cette croissance, de la réduire et à la fin, de l’inverser jusqu’à ce que le niveau de population permette au Canada de s’assurer un avenir durable quant à l’économie et au milieu environnant. En fermant les yeux sur la réalité et les conséquences de la croissance effrénée, nous sommes voués à un désastre presque certain.
La croissance soutenue est un compte de fées
Les propos précédents ne sont ni alarmistes, ni exagérés. Il est illogique de concevoir d’une croissance illimitée dans un espace limité. De plus, au Canada, les terres habitables ne constituent qu’une petite fraction de ce grand pays. Ce n’est pas par hasard que les pionniers se soient établis sur les rives des rivières le plus au sud. Cette région possédait – et possède toujours – les meilleures terres agricoles, alors que le nord était peu propice ou même impropre à l’agriculture, étant donné les piètres conditions du sol et du climat. Avant l’apparition des camions réfrigérés et alimentés d’énergie abondante, les vivres devaient être produits près des centres de peuplement. On construisait les villes au sud, sur les terres arables, ce qu’on continue d’ailleurs de faire. Ceci, en conjonction avec le paysage inhospitalier et un climat sans merci, voire même hostile, explique pourquoi depuis le début de l’histoire jusqu’à nos jours, 80 % des Canadiens habitent à moins de 160 km de la frontière des États-Unis.
Comme la croissance ne peut se poursuivre indéfiniment dans un espace limité, il n’est qu’une question de temps avant que la population canadienne toujours grandissante n’atteigne sa limite. Ceci causera d’abord un ralentissement, puis un arrêt de la croissance et enfin le déclin. Parmi les facteurs limitatifs, on compte les ressources renouvelables nécessaires à la survie humaine, c’est-à-dire l’air, l‘eau, le sol, les forêts et les pêcheries, ainsi que les ressources non renouvelables sur lesquelles dépend notre civilisation. En particulier, c’est au pétrole, utilisé pour faire fonctionner les machines agricoles, pour produire des engrais chimiques et les pesticides et pour transporter les vivres à de grandes distances de leur point de production, qu’on doit attribuer la capacité des populations à s’accroitre sans répit. Rappelons-nous que la production mondiale de pétrole est sur le point d’atteindre son apogée et commencera bientôt à chuter.
La capacité de charge
Pour établir combien d’humains le Canada peut supporter sans causer un dommage irréparable à l’environnement, en d’autres mots pour déterminer sa capacité de charge, il ne suffit pas de diviser la superficie du pays par le nombre d’habitants. Un calcul d’une telle naïveté s’avère fautif lorsqu’on tient compte du fait que la majorité du territoire canadien est pratiquement inhabitable. Pour arriver à une solution réaliste, on doit déterminer la capacité de fournir les ressources nécessaires à nourrir, abriter et vêtir la population, sans oublier la panoplie d’installations requises pour le fonctionnement de la société actuelle.
Les populations indigènes originales étaient éparses et dispersées à travers les régions méridionales du Canada. Chasseurs-cueilleurs ou petits exploitants agricoles, les autochtones survivaient selon des modes traditionnels simples. Fussent-ils tentés de s’établir plus au nord, ils auraient rencontré une insuffisance de ressources alimentaires. Les 35 millions de Canadiens doivent leur prospérité aux technologies qui permettent l’extraction aisée du charbon, du pétrole et du gaz, ressources qui sont appelées à disparaître. Il est évident qu’une population plus nombreuse accélèrera l’épuisement de ces denrées essentielles non renouvelables.
L’eau
Le Canada bénéficie de 7% de l’eau douce de surface du monde. Encore une fois cependant, les chiffres sont trompeurs, car la majorité de la population vit au Sud alors que 60 % des eaux canadiennes se déversent en direction nord, dans l’Extrême-Arctique. L’eau n’en demeure pas moins abondante, mais les régions métropolitaines du Sud la onsomment et la polluent de plus en plus. Ces deux facteurs en augmentent les coûts de production.
Les eaux souterraines
En 2009, Le Conseil des académies canadiennes prévint que les eaux souterraines, exploitées par au-delà de 10 millions d’individus, étaient mises en danger par l’abus et la contamination résultant de l’urbanisation, l’industrialisation et l’agriculture intensive. On identifia 28,000 sites contaminés. Depuis 2009, on a ajouté un grand nombre de sites. Vu la lenteur du mouvement de l’eau à travers la roche poreuse, il faut des décennies pour détecter l’impact de la contamination,. Il est certain que ces effets néfastes ont été exacerbés depuis 2009 avec l’arrivée de presque deux millions de « contaminateurs » additionnels dans les grands centres urbains.
Les Grands Lacs
Le plus grand système d’eau douce au monde, comprenant 20% des eaux de surface dessert plus de 40 millions de Nord-Américains. Selon les experts, l’écosystème du bassin des Grands Lacs subit une dégradation grandissante due à l’urbanisation, le changement climatique et les espèces envahissantes, malgré sa taille gigantesque. Des taux élevés de pathogènes et de polluants nocifs, une augmentation de la décharge d’eaux usées non traitées, des eaux plus chaudes et des conditions anoxiques, en plus d’épidémies de maladies hydriques, tous des résultats de l’agrandissement de la population, ont incité une inquiétude quant à l’effet de la qualité de l’eau sur les pêcheries, l’usage à des fins récréatives et la salubrité de l’eau potable.
Fleuves et rivières
Les grands cours d‘eau canadiens sont des sources importantes d’eau douce. Cependant, tous les principaux cours d’eau sont sujets à un certain nombre de contrôles visant à assurer un approvisionnement constant, la production électricité, la prévention des inondations et des ressources récréatives. Par contre, l’endiguement des rivières détruit l’habitat de la faune et les zones de frai des poissons. Pire encore, les gigantesques exploitations de sables bitumineux de l’Alberta utilisent des quantités énormes d’eau de la rivière Athabasca, dont 90% n’est pas recyclée, se retrouvant plutôt dans des bassins de décantation pleins de polluants nocifs.
De l’eau à exporter?
Malgré l’abondance des ressources canadiennes en eau, celles-ci se voient déjà vigoureusement exploitées. En plus, l’impact négatif du changement climatique ainsi que la croissance démographique au sud de la frontière ont occasionné l’exportation d’importants volumes d’eau à destination des États-Unis desséchés.
Les terres agricoles
Il est peut-être surprenant d’apprendre qu’une menue fraction du territoire canadien – environ 7% – se compose de terres arables et que seulement 0.5% est coté « classe 1 », c’est-à-dire sans restriction à l’agriculture. Malgré cela, les gouvernements ont autorisé l’utilisation de grandes étendues de ces terres fertiles à des fins d’expansion urbaine, provoquant une perte d’un atout irremplaçable de grande valeur. Ceci est particulièrement tragique en Ontario, où l’on retrouve plus de la moitié de la terre agricole « classe 1 » au pays. Alors qu’une grande proportion de la meilleure terre agricole mondiale se voit retirée de la production pour cause d’érosion, de salinisation et de désertification, le Canada abandonne de vastes parcelles de ses terres les plus fertiles à l’urbanisation et à être recouvertes d’asphalte pour accommoder une population toujours grandissante.
Les générations à venir, au Canada et ailleurs, devront faire face à un coût accru pour l’énergie non-renouvelable, ce qui affectera le prix des vivres et de leur transport. Comme les terres agricoles à l’échèle mondiale souffrent déjà de fortes pressions et comme une grande partie du monde est déjà victime d’une pénurie d’eau ou de sècheresse, il est illusoire de compter sur l’importation pour remédier à la réduction de la productivité agricole canadienne.
Biodiversité
Malheureusement, les tendances environnementales négatives observées au Canada reflètent ce qui se passe aux autres coins du monde : la flore et la faune disparaissent pour faire place à l’habitation humaine. Le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada nous avertit que 645 espèces sauvages sont actuellement menacées. Parmi les 428 espèces d’oiseaux qui nichent au Canada, 60 sont en danger d’extinction. Certaines espèces se sont vues réduites de 80% ou plus. Par exemple, le caribou de Peary, au nombre de 50,000 dans les années 60, compte moins de 8,000 individus à présent et est en danger imminent. L’avenir de l’ours polaire, un emblème canadien, est mis en doute, dû au changement climatique et à la fonte des glaces polaires. Tous nos efforts pour atténuer la disparition d’espèces sont compromis par l’augmentation incessante de la population humaine.
L’exemple des Prairies
L’exploitation agricole des dix-neuvième et vingtième siècles a dévasté les habitats de prairies naturelles et leur biodiversité. Plus de 90% des grandes graminées, 80% des fétuques et 67% des habitats de prairies mixtes se sont vus éliminés par l’exploitation agricole. Environ 70% des milieux humides, essentiels aux oiseaux sauvages migrateurs, ont disparu. Les troupeaux de bisons, qu’on pouvait compter par centaines de milliers, ont été tués. Tout ce qu’il reste aujourd’hui des prairies naturelles se limite à quelques ilots protégés, encerclés de végétation non indigène. Ceci réduit les habitats disponibles et restreint le mouvement de la faune à la recherche de nourriture et d’abri. Presque la moitié de la matière organique et du contenu nutritif naturel de la prairie a été érodée, oxydée ou autrement déplacée par l’agriculture. La dégradation du sol a forcé les agriculteurs à augmenter l’application d’engrais, ce qui a exacerbé le déclin de la qualité du sol, la contamination de l’eau et l’émission des gaz à effet de serre.
L’énergie
Étant donné sa situation nordique, le Canada est un des plus importants consommateurs d’énergie au monde, équivalant à 8262 kilos de pétrole par personne par année (vs. 7768 aux États-Unis; 1433 en Chine; 289 en Éthiopie). Cet usage produit chaque année au-delà de 20 tonnes de gaz à effet de serre par tête. De longs hivers et un climat exceptionnellement froid engendrent des coûts élevés pour le logement, les vêtements et les services publics alors que la taille du Canada et les grandes distances entre ses villes rendent le transport onéreux. Toutes les dépenses augmentent, souvent exponentiellement, en fonction de la latitude. Bien qu’on ait trouvé des moyens de réduire la consommation individuelle d’énergie, les bénéfices nets se sont vus contrecarrés par l’accroissement de la population.
Trop de Canadiens?
Des preuves convaincantes induisent les démographes et ceux qui s’intéressent à la détérioration environnementale et à l’épuisement des ressources non renouvelables à conclure que le Canada est déjà surpeuplé, qu’il est même en état de « dépassement » quant à son autosuffisance durable. Cependant, cette opinion n’est pas largement répandue. En effet, les gouvernements à tous les niveaux, avec l’encouragement soutenu du secteur économique, ne cessent de promouvoir, avec divers degrés d’urgence, des politiques de croissance. La croissance économique, dont on ne discute jamais les conséquences néfastes, se voit toujours comme une « bonne chose », essentielle au bien-être des Canadiens. On compte la croissance démographique parmi les facteurs économiques clés. Au Canada, il est généralement admis qu’on doit poursuivre sans répit la croissance économique et on accepte sans question la sottise d’un modèle économique fondé sur une croissance démographique soutenue.
L’immigration est la clé
Cet énoncé explique pourquoi tous les gouvernements ont cherché à remédier au taux de naissance canadien des années 1970, égal ou inférieur au taux de remplacement de 2.1 enfants par femme, en préconisant des politiques de croissance démographique basée surtout sur l’immigration. Durant les 25 dernières années, on a ciblé un taux d’immigration d’environ 250,000 par année (avec un maximum de 281,00 en 2010). Cet objectif a reçu l’apport de réfugiés (peu nombreux), de travailleurs temporaires étrangers (182,000) en 2010) et d’étudiants internationaux à court terme. Bien que la plupart du temps ces deux derniers groupes retournent dans leur pays, ils n’en laissent pas moins une « empreinte », un impact environnemental négatif, durant leur séjour au Canada. De plus, les gouvernements fédéral et provinciaux, notamment celui du Québec, ont encouragé directement ou indirectement la croissance démographique, quoiqu’avec un succès limité, à l’aide de stimuli monétaires tels que les allocations familiales, les garderies fortement subventionnées, des crédits d’impôt sur le revenu, des exemptions de taxes sur les produits de bébés, des incitations visant les immigrants aisés et bien d’autres. En dépit du taux de fertilité de 1,6 enfant par femme, le taux actuel de croissance au Canada est de 1,2 % par an, un accroissement total dû uniquement à l’immigration. En maintenant ce taux, on verra la population doubler en 58 ans. Sans l’immigration, la population canadienne se serait stabilisée bien en deçà de 30 millions.
Planifier pour un avenir sain et durable
À un certain moment, soit le bon sens, soit les lois de la nature doivent mettre fin à la croissance démographique effrénée. Parmi les facteurs qui pourraient occasionner ceci, on compte l’épuisement ou la raréfaction des ressources non renouvelables, en particulier l’énergie, l’incapacité de produire les vivres, l’espace utilisable, le changement climatique, des niveaux dangereusement élevés de détérioration environnementale de notre modeste coin de biosphère terrestre. La croissance pourrait aussi cesser simplement parce que le public se rend compte que la taille de la population est une chose importante, que les grands nombres ne sont ni nécessaires ni favorables à une haute qualité de vie, humainement acceptable pour tous les Canadiens.
L’avenir
L’ICP est convaincu que le Canada doit devenir une société modèle dans un monde qui souffre déjà de stress environnemental, d’une pénurie de ressources et d’une surpopulation flagrante. Pour ce faire, le Canada doit stabiliser ses propres nombres et encourager les autres pays à faire de même. Au lieu de favoriser la croissance démographique par les encouragements financiers et l’immigration, le Canada doit annuler les programmes d’aide financière, revaloriser les petites familles et adopter une politique d’immigration équilibrée, où l’on maintient un nombre égal d’immigrants et d’émigrants. Seule la poursuite de ces objectifs pourra assurer un avenir durable pour les générations à venir.