Le professeur Al Bartlett a mis au défi quiconque de citer ne serait-ce qu’un seul problème environnemental qui ne soit pas causé ou exacerbé par la croissance démographique. Si les changements climatiques actuels sont en effet davantage dus à des activités humaines qu’à des phénomènes naturels, toute personne douée en calcul peut prédire que l’utilisation de l’énergie et des ressources à l’origine du changement climatique augmentera en même temps que le nombre de ceux qui changent le climat. Pour sortir les gens de la pauvreté, il faut nécessairement qu’ils utilisent davantage d’énergie et de ressources. Ainsi, l’Afrique, avec l’aide de la Chine, est sur le point de commencer à développer sérieusement ses réserves de charbon, tandis que la Chine développe les siennes à toute allure.
Entre-temps, les accords conclus sous les auspices de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (comme la COP27 qui vient de s’achever à Sharm-el-Sheikh) exigent des pays développés des engagements de réduction des émissions plus forts que ceux des pays en développement. Bien qu’elle soit la deuxième plus grande économie du monde et le plus grand émetteur total de gaz à effet de serre, la Chine est toujours considérée comme un pays en développement.
Le prix du déni
Dans son récent article intitulé The human eco-predicament: Overshoot and the population conundrum, (disponible en ligne et à paraître en version imprimée en 2023), William Rees, professeur émérite de l’université de Colombie-Britannique et parrain de l’ICP, calcule que la croissance démographique est responsable d’environ 80% de l’augmentation de l’empreinte écologique humaine totale entre 1961 et 2016, malgré les niveaux de consommation moyens par habitant beaucoup plus élevés des pays riches (voir la figure 3 et le texte d’accompagnement de l’article).
Pourtant, il semble que chaque problème sérieux soit dépeint à travers le prisme du changement climatique, tandis qu’évoquer la croissance démographique est suspect. George Monbiot, chroniqueur au Guardian et militant du changement climatique, a longtemps dénigré les préoccupations relatives à la croissance démographique, les qualifiant d’un voile des riches surconsommateurs pour détourner l’attention de leur propre cupidité. Mais comme le souligne John Meyer, président de Canadians for a Sustainable Society, dans son récent article intitulé « George Monbiot is an Environmental Disaster, » l’afflux constant de travailleurs étrangers en provenance de pays pauvres surpeuplés profite aux entreprises de main-d’œuvre bon marché des pays riches d’accueil et pousse les personnes à faible revenu de ces pays à quitter leur emploi, voire le marché immobilier. La surpopulation est une question de gagne-pain pour les travailleurs des pays pauvres et des pays riches.
La sollicitation d’Avaaz mentionnée au début de cet article faisait référence au « visage de la crise climatique. » Mais qu’en est-il du visage de la crise démographique? Pour les médias grand public et nombre de nos dirigeants, il ne semble pas y en avoir. Le changement climatique est présenté comme le moteur de phénomènes dans lesquels il ne joue qu’un rôle mineur, voire aucun. Dans son article intitulé « Climate refugees or overpopulation escapees, » le professeur Philip Cafaro dissèque un article du New York Times Magazine dont le titre « The Great Climate Migration » (La grande migration climatique) dément le modèle cité par son auteur, qui prévoyait que seuls 5% des migrants en question seraient motivés par le changement climatique.
La population humaine est en dépassement, c’est-à-dire qu’elle a dépassé la capacité de charge de la Terre. Comme le fait remarquer le Dr Rees dans l’article susmentionné, « les approches traditionnelles visant à atténuer les divers symptômes de dépassement ne font que renforcer le statu quo ». Si l’on applique cela à la situation désespérée de la Somalie, on peut dire que nourrir les affamés sans inverser la croissance démographique ne fera qu’accroître le nombre de personnes affamées à nourrir à l’avenir.
Nous sommes d’accord avec le Dr Rees qu’en l’absence d’une contraction de l’économie matérielle et de la population humaine — c’est triste mais pas choquant de le dire — l’avenir de notre civilisation ressemble à un effondrement. |
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