L’empereur vient-il de souligner que la science est nue? Une évaluation factuelle

Une semaine avant le début de la COP28, la dernière conférence des Nations unies sur le climat qui s’est tenue du 28 novembre au 12 décembre, le sultan Ahmed Al Jaber de Dubaï, qui accueillera la conférence, a choqué le monde des activistes du climat en déclarant que l’élimination progressive des combustibles fossiles d’ici 2050 prônée par les Nations unies n’était pas étayée par les données scientifiques.

Le sultan a fait cette déclaration lors d’un événement intitulé « She Changes Climate, » en réponse à Mary Robinson, présidente du groupe des Aînés et ancienne envoyée spéciale pour le changement climatique, lors d’un événement en ligne en direct le 21 novembre. Mme Robinson a affirmé que « Nous sommes dans une crise absolue qui fait du mal aux femmes et aux enfants plus que quiconque… et c’est parce que nous ne nous sommes pas encore engagés à éliminer progressivement les combustibles fossiles. C’est la seule décision que la COP28 peut prendre et, à bien des égards, parce que vous êtes à la tête d’Adnoc, vous pourriez en fait la prendre avec plus de crédibilité. »

Adnoc est la compagnie pétrolière nationale des Émirats arabes unis.

Mais le sultan n’a pas mordu à l’hameçon. « J’ai accepté de venir à la réunion pour avoir une conversation sobre et mûre, » a-t-il répondu. « Je n’adhère en aucun cas à une discussion alarmiste. Il n’y a pas de données scientifiques ni de scénario, qui disent que l’élimination progressive des combustibles fossiles permettra d’atteindre la limite de 1,5 °C. »

Au cours de leur échange peu amical, Al Jaber a demandé à Robinson: « S’il vous plaît, aidez-moi, montrez-moi la feuille de route pour une élimination progressive des combustibles fossiles qui permettra un développement socio-économique durable, à moins que vous ne vouliez ramener le monde dans les cavernes. »

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Il se pourrait que l’organisation d’une conférence sur le climat par un pétrolier comporte certains risques. Al Jaber est le directeur général d’Adnoc. On pourrait légitimement penser qu’il pourrait se trouver en situation de conflit d’intérêts. Mais il est également à la tête de Masdar, la société des Émirats arabes unis spécialisée dans les énergies renouvelables. On pourrait donc également dire qu’il investit dans différents scénarios possibles pour l’avenir.

Le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, qui, en juillet, avait mis en garde contre « l’ébullition mondiale, » a dû se sentir un peu mal à l’aise à l’idée qu’Al Jaber accueille la conférence sur le climat. Le 1er décembre, il a déclaré à la conférence COP28: « La science est claire. La limite de 1,5 °C n’est possible que si ultimement, nous arrêtons de brûler tous les combustibles fossiles. Il ne s’agit pas de réduire, ni d’atténuer. Il s’agit d’une élimination progressive, avec un calendrier précis. »

À ce jour, plus de 100 pays sont favorables à l’abandon progressif des combustibles fossiles, qui comprennent le pétrole, le charbon et le gaz naturel.

Le sultan de Dubaï est peut-être odieux et il a peut-être des conflits d’intérêts. Mais la question essentielle est de savoir s’il se trompe sur la probabilité de parvenir à la carboneutralité d’ici 2050. Est-il tout simplement meilleur en arithmétique et a-t-il une meilleure compréhension de ce qui est réalisable que la plupart des activistes climatiques et des délégués de la COP28?

Les chiffres à la loupe

Les combustibles fossiles, sous forme de pétrole, de charbon et de gaz, fournissent encore plus de 84 % de l’énergie primaire mondiale. L’image ci-dessous, tirée de Our World in Data, montre la consommation mondiale d’énergie primaire par source pour 2019.

 

Le pétrole, le charbon et le gaz naturel ont représenté 84,3 % de la consommation d’énergie primaire en 2019. L’éolien et le solaire ont fourni respectivement 2,2 % et 1,1 % de l’énergie primaire, tandis que les biocarburants et les autres énergies renouvelables ont fourni respectivement 0,7 % et 0,9 %. Au total, ces quatre catégories représentent 4,9 % de la consommation d’énergie primaire en 2019.

Si vous avez une bonne loupe, vous verrez dans l’image ci-dessus, sous le sous-titre de l’énergie mondiale dérivée des combustibles fossiles, qu’en 2000, 86,1 % de l’énergie primaire mondiale était dérivée des combustibles fossiles. Ainsi, au cours des 19 années écoulées entre 2000 et 2019, le pourcentage d’énergie primaire dérivée des combustibles fossiles est passé de 86,1 % à 84,3 %, soit une réduction relative de 2,1 %. Pourtant, au cours des 27 années qui nous séparent de 2050, nous devrons éliminer totalement l’utilisation des combustibles fossiles.

Le sultan est peut-être sur la bonne voie lorsqu’il parle de feuille de route. Comment pensons-nous gérer cela?

Énergies renouvelables et électricité

Les énergies renouvelables sont principalement utilisées pour produire de l’électricité. Environ 20,4 % de la consommation finale d’énergie dans le monde était sous forme d’électricité en 2022. Parmi les sources renouvelables, l’hydroélectricité, avec 15,2 %, a été le plus grand contributeur, tandis que l’éolien et le solaire ont fourni respectivement 7,50 % et 4,52 % de l’électricité mondiale cette année-là. La bioénergie a fourni 2,38 % et les autres énergies renouvelables seulement 0,35 %. Si l’on exclut l’hydroélectricité, les énergies renouvelables ont généré environ 14,8 % de l’énergie électrique mondiale en 2022.

Si les énergies renouvelables non hydrauliques fournissent 14,8 % de l’énergie électrique mondiale et que 20,4 % de la consommation finale d’énergie dans le monde se fait sous forme d’électricité, ces énergies renouvelables représentent environ 3 % de la consommation totale d’énergie dans le monde. Ce n’est pas une base solide pour espérer éliminer les combustibles fossiles d’ici 2050.

En 2022, près de 61% de l’électricité mondiale fut produite à partir de combustibles fossiles, principalement le charbon et le gaz. Cela ne représente qu’une maigre réduction de 4% par rapport aux 63,6% d’électricité produite à partir de combustibles fossiles en 1985. Ainsi, au cours des 38 années entre 1985 et 2023, il y a eu une réduction relative d’environ 4 % du pourcentage d’électricité produite à partir de combustibles fossiles. Mais au cours des 27 années entre 2023 et 2050, cette réduction sera de 100 %. Une fois de plus, la question du sultan sur la manière dont cela se produira semble légitime.

Une attention mal orientée: notre problème fondamental est le dépassement

Depuis la première conférence sur le climat, la Conférence mondiale sur le climat organisée par l’Organisation météorologique mondiale, qui s’est tenue à Genève en février 1979, les émissions mondiales de CO2 ont doublé. Ce n’est pas surprenant, puisque notre consommation de combustibles fossiles a doublé depuis cette date, malgré les 35 conférences sur le climat qui ont suivi celle de Genève. Après une série d’échecs aussi spectaculaires, nous devons maintenant croire que nous pouvons nous débarrasser de l’habitude des combustibles fossiles en 27 ans. Pour reprendre les mots du sultan, « montrez-moi la feuille de route ».

 

Dans un article publié le 24 novembre 2021 par Population Matters, peu après la clôture de la COP26 à Glasgow, Bill Rees, parrain de l’ICP, a déploré de manière poignante que toute la réunion ait probablement été en vain:

« C’est une grande ironie, voire une tragédie, que tant de personnes bien intentionnées, en particulier des organisations non gouvernementales axées sur le climat et des citoyens ordinaires, aient perdu tant de temps et d’efforts lors de la COP26 à Glasgow. Ce n’est pas que les négociateurs officiels aient obtenu si peu de résultats, mais plutôt que le changement climatique n’est pas la véritable menace existentielle. La menace, c’est le DÉPASSEMENT. ”

Le docteur Rees note que le véritable problème est le dépassement de l’humanité en termes de consommation au-delà de la capacité des écosystèmes de la Terre à se régénérer et de production de déchets au-delà de la capacité des systèmes naturels à assimiler ces déchets et la pollution. »

C’est la croissance qui pose le problème 

Tant que l’humanité persistera dans sa quête du Saint-Graal de la croissance économique perpétuelle, les sources d’énergie renouvelables seront utilisées pour faire croître l’économie mondiale, tout comme les combustibles fossiles l’ont été et continuent de l’être. Or, à mesure que l’économie mondiale se développe, elle a besoin de plus en plus d’énergie pour continuer à croître. Les énergies renouvelables ne peuvent pas suivre cette croissance. En outre, tant qu’elles sont utilisées pour promouvoir la croissance, elles ne protègent pas réellement l’environnement. L’extraction, le traitement et le transport des métaux, des terres rares et des autres composants utilisés dans les éoliennes et les panneaux solaires sont eux-mêmes consommateurs d’énergie et polluants et impliquent l’utilisation de combustibles fossiles.

Tout cela fait que les déclarations sur l’ébullition mondiale et les objectifs carboneutralité ressemblent à du théâtre Kabuki.

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La taille de la population humaine diminuera inévitablement. Mais comme nous continuons à ignorer le problème de la surpopulation, cette diminution a de moins en moins de chances de se produire par dessein et a plus de chances de se produire par effondrement, ce qui entraînera de nombreuses souffrances pour les humains et les espèces non humaines. L’illusion d’atteindre la carboneutralité d’ici 2050 ne contribuera pas à atténuer notre confrontation brutale avec la réalité.

Que nous parvenions ou non à augmenter l’utilisation des énergies renouvelables, si nous ne nous attaquons pas au problème de la surpopulation humaine et du dépassement concomitant, nous sommes sur la voie du retour aux grottes mentionnées par Al Jaber.

Madeline Weld, Ph.D.
Présidente, Institut canadien de la population
Tél.: (613) 833-3668
Courriel: [email protected]
www.populationinstitutecanada.ca
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